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Questions à l'étude des loges

Jusqu’où peut-on aller dans le respect des cultures ?

On… Respect… Cultures… La loge s’interroge d’abord sur les termes de la question qu’elle a choisie.

Pour elle, le « on » dépasse l’indéfini, il est clairement collectif. Il évoque moins les individus que les groupes d’individus (associations, communautés…), que les autorités qui les représentent (nations, organismes supranationaux), qu’une humanité considérée dans sa globalité.

Le « respect » peut-être rapproché d’un autre terme : la tolérance. Il évoque la liberté : la sienne ne doit pas empiéter sur celle des autres, celle des autres ne doit pas empiéter sur la sienne. Il évoque une réciprocité incontournable : je ne peux respecter que ce (ceux) qui me respecte (nt).

Le terme « cultures » est au pluriel et sans majuscule. Les cultures ne sont pas un idéal magnifié, mais une réalité multiforme et complexe, reflet des comportements, connaissances, éducations, valeurs morales, systèmes politiques, religions… propres à des civilisations, nations, regroupements ethniques… La loge distingue les valeurs culturelles (morales, religieuses…) et les contenus culturels (éducation, traditions…), mais réfléchit ici globalement, chaque culture contenant les unes et les autres. Elle fait ressortir…

  • Que dans une même culture peuvent cohabiter des (sous) cultures spécifiques. 
  • Que certaines cultures sont millénaires et d’autres toutes nouvelles.
  • Que certaines sont figées et d’autres évoluent volontairement ou inconsciemment.
  • Que certaines disparaissent et d’autres se mondialisent. 
  • Que les différentes cultures s’imbriquent les unes dans les autres, se complètent, s’opposent, s’acceptent, se rejettent selon les lieux et les temps.

Jusqu’où donc peut-on aller dans le respect des cultures ? 

Quelles sont les limites qu’aucun n’est prêt à ne pas dépasser ? Qui fixe ces limites ? Sont-elles strictes ou malléables ?

La loge souligne que c’est sa propre culture qui fixe, sur son territoire, les limites du respect qu’elle porte aux autres cultures. Ces limites prennent forme dans des lois, règlements et traditions que font appliquer les élus ou leaders politiques et religieux aux groupes, régions, nations, organismes supranationaux… Ces lois, règlements et traditions définissent autant les droits des individus que les devoirs auxquels ils doivent se conformer.

Quand on fixe la limite de ce qui est acceptable et de ce qui ne l’est pas, on porte un jugement de valeur. Chacun peut porter ce jugement et affirmer que toutes les valeurs ne se valent pas, et que celles qu’on a choisies sont capitales. Montaigne, Lévi-Strauss et bien d’autres ont souligné cette relativité. Chacun, chaque culture, peut alors exiger que, sur son territoire, l’on se plie aux valeurs, droits et devoirs qui y ont été établis.

De fait, le « on » de la question peut entraîner dans une impasse tant les cultures et les valeurs qui les supportent s’opposent ici et là. Ce qui est insupportable pour l’un et la norme pour l’autre, et inversement. Le risque est alors de s’exclure mutuellement, et ce risque est trop souvent la réalité d’aujourd’hui.

Devons-nous alors reformuler la question ? Jusqu’où pouvons-nous aller dans le respect des cultures ?

Dans la mosaïque des cultures, nous, citoyens français, francs-maçons du Grand Orient de France, sommes issus d’une culture judéo-chrétienne, républicaine, démocratique et laïque qui se veut délibérément ouverte sur les autres. Nos mots-clés sont : liberté, égalité, fraternité, tolérance mutuelle, liberté absolue de conscience, laïcité, démocratie, respect de la personne… Ces mots définissent nos valeurs humanistes et structurent nos lois. Ils permettent de nous accepter les uns les autres dans un même espace, de nous côtoyer au quotidien, quelles que soient nos cultures d’origine.

Pouvons-nous respecter des cultures qui n’ont pas adopté ces mots clés, qui ne partagent pas nos valeurs ? Certains Frères de la loge affirment que nos valeurs et mots-clés ont une portée universelle, que si nous n’exigeons pas leur adoption intégrale et immédiate, au moins faut-il montrer la volonté d’y être ouvert, de les prendre en considération. D’autres Frères insistent sur la multiplicité des cultures, sur la difficulté de trouver un dénominateur commun, sur le nécessaire respect que nous devons apporter à la diversité.

Jusqu’où pouvons-nous aller dans le respect des cultures ?

Sur le territoire français, la réponse est simple : nos lois définissent le cadre dont il convient de ne pas sortir. Pour le reste du monde, la tentative la plus aboutie pour trouver une réponse a été faite à la sortie de la Seconde Guerre mondiale quand a été élaborée la Déclaration universelle des droits de l’homme. Seule une cinquantaine de pays l’ont signée. On est loin de l’universalité proclamée ou souhaitée. La question reste donc ouverte.

TUA — 2016